Bonjour à tou·te·s et bienvenue dans un chapitre de ma vie. Je suis Mathilde, j’ai 29 ans et j’ai l’impression d’avoir vécu mille vies. J’ai un diabète de type 1 depuis l’âge de 12 ans et avec mes hypers et hypos, j’ai parcouru le monde entier, j’ai été esthéticienne, responsable de magasin, chef de projet et aujourd’hui décoratrice d’intérieur mais surtout danseuse. Allez, je vous raconte.
Nous sommes en juin 2006. J’ai hâte d’être en grandes vacances à la fin du mois. J’attends impatiemment la réponse du Conservatoire de Danse d’Avignon suite à ma candidature à la section sport étude de danse à haut niveau.
La danse a toujours fait partie de ma vie. Plus que passionnée par cet art, j’avais la conviction de pouvoir devenir danseuse. J’avais confiance en ma technique encore si fragile pour l’époque, mais mentalement j’étais prête à quitter ma famille et mes ami·e·s pour vivre mon rêve.
Un mois de juin pas si tranquille
Pour un début d’été, les températures n’étaient pas top.
J’avais tout le temps soif, une soif intense de jour comme de nuit.
Rien de bien inquiétant et pourtant des cernes s’étaient fixées sur mon visage d’enfant. Mon corps de danseuse s’affinait à vue d’œil. Mon corps hurlait de l’intérieur.
Le 17 juin 2006, ma vie a basculé
J’aurais aimé vous dire que ma vie a basculé avec cette lettre du conservatoire que j’attendais tant, mais pas ce jour-là. Ce 17 juin 2006, je suis diagnostiquée diabétique de type 1.
La première question que j’ai posée au médecin a été : est-ce que je vais pouvoir continuer à danser ? La réponse était évidemment oui, mais à quel prix pour l’époque.
Je suis restée une semaine à l’hôpital où l’on m’a appris à me piquer plusieurs fois par jour, à contrôler ma glycémie et à peser mes aliments… Ma vie de petite fille avait changé, mais pas complètement. Je n’avais qu’une hâte : renfiler mes chaussons et danser.
Le grand départ
Un nouveau chamboulement a eu lieu cet été 2006, cette fois-ci beaucoup plus joyeux. J’ai enfin reçu ma lettre du Conservatoire d’Avignon, j’étais acceptée à la rentrée de septembre.
J’allais enfin réaliser mon rêve et suivre un cursus sport études de danse. Le matin, j’étais en classe au collège et l’après-midi, en salle de danse au Conservatoire. Un rythme soutenu du lundi au samedi où la chance et l’improvisation n’ont pas leur place et le travail est de rigueur.
En danse, j’excellais ! J’étais la première en danse jazz, la première en danse contemporaine, j’adorais mes cours, j’adorais mes profs, j’adorais ma vie à l’internat avec mes copines.
Côté diabète, c’était plus compliqué. Le rythme était si effréné que j’en oubliais ma maladie chronique. Dix-sept ans en arrière semblent si proches et pourtant… Il n’y avait pas tous ces dispositifs, capteurs et pompes à insuline miniaturisées, que l’on connaît aujourd’hui et qui facilitent la gestion du diabète au quotidien.
Comme avant chaque pratique sportive, quand vous dansez, vous devez contrôler votre glycémie avant de rentrer dans la salle pour être sûr·e·s de ne pas faire d’hypoglycémie ou d’être en hyperglycémie. S’assurer simplement que vous pourrez profiter sereinement de votre cours et du moment présent, sans que le diabète ne s’immisce.
Un rythme trop intense
Malheureusement, j’ai dû arrêter sport études à mon entrée au lycée. Non pas en raison de mon niveau en danse qui était plutôt bon, mais parce qu’aucun médecin n’a voulu prendre la responsabilité de me suivre avec le rythme si intense qu’impose le sport de haut niveau. Je n’arrivais plus à équilibrer mon diabète, j’étais si jeune et sans soutien médical… Il n’y avait plus rien à faire que d’arrêter. Entre vous et moi, j’aurais aimé avoir 14 ans en 2023.
2023 : la danse continue de rythmer ma vie
J’ai grandi, j’ai pris du recul et nous voilà dans une ère “plus connectée”.
Je danse toujours et je suis toujours diabétique, vous vous en doutiez, j’imagine. Aujourd’hui, je fais de la danse africaine et croyez-moi c’est intense !
Je ne pense pas qu’un style de danse influence plus qu’un autre sur votre glycémie ou l’équilibre de votre diabète. Si vous avez pleinement conscience de la gestion de votre diabète, alors vous pourrez danser pendant des heures. Aujourd’hui, la gestion du diabète est plus facile qu’autrefois. Des solutions, des traitements sont là aujourd’hui pour que vous puissiez vivre et profiter pleinement de votre vie.
Après le Conservatoire, j’ai dû faire le deuil de cette carrière dont j’avais longtemps rêvé. À présent, je danse, pas autant d’heures qu’autrefois, mais je suis libérée de ce poids qu’on puisse un jour m’interdire de danser.
Pour terminer cet article, en cette journée internationale de la danse, je ne peux que vous dire de mettre une musique et danser.
“Danser, c’est comme parler en silence. C’est dire plein de choses sans dire un mot” – Yuri Buenaventura
Belle évasion.
Mathilde