Diabète de type 1 : quels facteurs peuvent favoriser le surpoids et/ou la prise de poids ?

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De nos jours, de nombreuses personnes vivent en situation d’excès de poids. Selon les critères de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), on peut définir, à partir de l’indice de masse corporelle [IMC : poids (kg)/(taille en m)²], le surpoids pour un IMC [25-29,9] kg/m², et l’obésité pour un IMC≥30 kg/m².

L’obésité est un terrain favorable pour d’autres pathologies et elle accroît le risque de développer des maladies métaboliques (diabète, excès de graisses ou d’acide urique dans le sang (goutte)) et cardiovasculaires (hypertension artérielle, angine de poitrine, infarctus, accidents vasculaires cérébraux), des maladies articulaires (douleurs, arthrose) ou encore des maladies respiratoires. Le surpoids a aussi un impact sur le plan psychologique. Chez certaines personnes, il provoque un déclin de l’estime de soi, une baisse de moral, et peut être à l’origine de difficultés sociales telles que la stigmatisation qui peut conduire à l’isolement. 

Ces dernières années, on note une augmentation du surpoids et de l’obésité dans la population générale. Qu’en est-il chez les personnes avec un DT1 ? Y-a-t-il un lien entre diabète de type 1 et surpoids/obésité ? Quels facteurs peuvent favoriser le surpoids et/ou la prise de poids ? L’insuline joue-t-elle un rôle ? Quid des hypoglycémies ? 

Prévalence et évolution de l’excès de poids en Europe 

Les personnes avec un diabète de type 1 et le surpoids

Selon l’analyse de l’Echantillon National Témoin Représentatif des personnes Diabétiques (2007), 31% des personnes vivant avec un DT1 en France (âge moyen 42 ans, ancienneté du diabète de 17 ans) sont en surpoids et 14% en situation d’obésité1. Ces données sont très proches de celles de la population générale française (voir ci-dessous), en termes de prévalence du surpoids et de l’obésité. 

Les problématiques de surpoids et/ou de prise de poids peuvent parfois se poser dès l’enfance. Ainsi, une étude réalisée en 2015 dans 2 pays européens (Allemagne et Autriche) et aux Etats-Unis chez des enfants et des adolescent·e·s (de 2 à 18 ans) vivant avec un diabète de type 1 a révélé que 24% d’entre eux·elles étaient en surpoids et 15%, en situation d’obésité2. 

Dans la population générale 

L’enquête ObÉpi (2012) a démontré qu’en France, 15 % des sujets de plus de 18 ans étaient obèses, et 32 % étaient en surpoids. En moyenne en France, l’obésité progresse de 0,5 % par an. La France n’est pas un cas isolé3

D’après l’OMS et l’analyse des indicateurs de nutrition de la Région européenne en 2013, les estimations de surpoids et d’obésité montrent que pour 46 pays, plus de 50 % de la population adulte de plus de 20 ans étaient en surpoids ; et que dans 40 pays, plus de 20 % des adultes étaient obèses4.

Les enfants aussi sont touchés. Selon un rapport international publié en 2013, chez les enfants de 11 ans, le nombre de cas de surpoids le plus élevé a été trouvé en Grèce (33 %), au Portugal (32 %), en Irlande (30 %) et en Espagne (30 %) ; le plus bas était aux Pays-Bas (13 %) et en Suisse (11 %)5.

Liens entre prise de poids, diabète de type 1 et traitement par insuline 

Le DT1 a-t-il un impact sur le poids ? Si oui, s’agit-il plutôt d’une prise de poids ou de perte de poids ? 

La grande étude DCCT (Diabetes Control and Complications Trial) conduite aux Etats-Unis dans une population de personnes vivant avec un diabète de type 1 a établi que le traitement intensif par insuline (pompe ou au minimum 3 injections par jour d’insuline, en visant une glycémie proche de la normale) qui a permis un meilleur contrôle du taux de sucre, avait, dans le même temps, entraîné une prise de poids moyenne de 4,8 kg, par rapport au traitement conventionnel (au maximum 2 injections par jour d’insuline et objectif glycémique plus large). Cet excès de poids n’était toutefois pas homogène dans la population. Il était limité dans le temps (surtout la première année) et était surtout lié à l’amélioration du contrôle glycémique initial. L’étude a conclu que plus le taux de sucre était élevé au départ du traitement intensif, plus les personnes ayant un diabète de type 1 prenaient du poids6.

Diabète de type 1 : quels facteurs peuvent être à l’origine d’un surpoids et/ou d’une prise de poids ? 

Rééquilibrage du diabète de type 1 et surpoids

Le rééquilibrage d’un diabète jusqu’alors déséquilibré peut être à l’origine d’une prise de poids, en raison de l’arrêt de la fuite de sucre (glycosurie) du fait de la baisse de la glycémie. Les calories éliminées auparavant dans les urines vont désormais rester dans l’organisme et participer à l’apport calorique global7. La personne ayant un diabète va donc prendre du poids malgré elle. 

Hypoglycémies plus fréquentes 

Lorsque le traitement est optimisé, il est possible que des hypoglycémies surviennent de façon plus fréquente. Elles sont corrigées par la prise de sucres rapides et donc de calories, en quantités parfois non négligeables. 

L’étude DCCT a révélé une prise de poids d’en moyenne 7 kg sur un an chez les personnes ayant fait au moins une hypoglycémie sévère8

À noter : les hypoglycémies sévères touchent une part importante des personnes vivant avec un diabète de type 1. En France, en 2007, 39% des patient·e·s déclaraient avoir eu au moins une hypoglycémie sévère au cours des 12 mois précédents, et cette fréquence était même plus importante chez les moins de 45 ans9. Cette fréquence serait sans doute moins importante aujourd’hui, du fait du développement et de l’optimisation de nouvelles solutions thérapeutiques10

Tendance à la sédentarité et surpoids

La peur de voir survenir une hypoglycémie lors de la pratique d’une activité physique, pourrait également encourager la sédentarité et donc favoriser la prise de poids11 chez les personnes vivant avec un diabète. 

Effet métabolique de l’insuline et prise de poids

L’hormone insuline a également un effet métabolique propre qui, proportionnellement à la dose, va favoriser la production et le stockage des graisses (anabolisme). Elle induit aussi une augmentation du taux sanguin de leptine, lui-même corrélé à la prise de poids. Il a été montré que les patient·e·s, avec un DT1, avec la plus forte augmentation du taux de leptine présentaient la prise pondérale la plus importante12

Alimentation et/ou troubles du comportement alimentaire et relation avec la prise de poids 

La méthode d’adaptation de la dose d’insuline liée au DT 1 a-t-elle un impact sur la prise de poids ? La prise en compte de la quantité de glucides consommée (ou comptage des glucides) qui sert désormais de base pour déterminer la dose d’insuline à administrer, ne semble pas occasionner de prise de poids, que ce soit chez l’adulte ou chez l’enfant. En revanche, une alimentation riche et déstructurée va y contribuer. 

Des troubles du comportement alimentaire, notamment à l’adolescence, peuvent participer à la prise de poids. Chez les personnes avec un diabète de type 1, la fréquence de la boulimie nerveuse ou de l’hyperphagie serait plus élevée de 1 à 2%, et les troubles du comportement alimentaire non spécifiés seraient plus élevés de 4 à 8% que dans la population générale.    

Certains phénomènes apparaissent : 

  • insatisfaction corporelle et faible estime de soi, 
  • focalisation sur les aliments et le poids, 
  • peur des hypoglycémies avec consommation de glucides à visée préventive ou correctrice, 
  • peur de ne pas savoir faire face aux contraintes du traitement par insuline, 
  • rejet de la maladie et du contrôle parental. 

Dans certains cas, un·e professionnel·le de santé peut percevoir, surtout chez la jeune femme, des préoccupations excessives autour de l’apparence, du poids et des aliments, une volonté de contrôle et de maîtrise, un désir de perfection source d’anxiété marquée, et observer des variations du poids. La « diabulimia » (diaboulimie) est un trouble alimentaire particulier. Il s’agit d’une combinaison entre crise de boulimie, et omission volontaire d’insuline afin de contrôler et de ne pas prendre de poids chez une personne vivant avec un diabète.

Stress et anxiété 

On l’appelle “grignotage réconfort” ou encore “grignotage émotionnel”… Lorsqu’elles traversent des épisodes de stress ou d’anxiété, certaines personnes se réfugient dans la nourriture et ont tendance à grignoter. Le grignotage privilégie souvent des produits riches en graisses et en sucres. Si ces apports énergétiques additionnels, parfois considérables, ne sont pas dépensés, ils seront stockés par l’organisme et favoriseront la prise de poids. Pour éviter de prendre du poids il faudrait donc remplacer ce grignotage par une autre activité ayant moins d’impact sur le poids.

Ce qu’il faut retenir 

Chez les personnes vivant avec un diabète de type 1, prendre du poids peut être lié à plusieurs facteurs, pas toujours dépendant de la personne concernée, comme :

> le rééquilibrage d’un diabète déséquilibré,  

> les resucrages fréquents à la suite d’hypoglycémies à répétition, 

> une tendance à limiter l’exercice physique par peur des hypoglycémies, 

> l’effet propre et anabolisant de l’insuline, 

> une alimentation déstructurée et/ou des troubles du comportement alimentaire.

Bibliographie

  1. Dossou Y, Roudier C, Penfornis A, Fagot-Campagna A, Druet C. Diabète de type 1 en France métropolitaine : caractéristiques, risque vasculaire, fréquence des complications et qualité des soins. Entred 2001 et Entred 2007. Bull Epidémiol Hebd. 2013;(37-38):477-84.
  2. DuBose  SN, et al. Obesity in youth with type 1 diabetes in Germany, Austria, and the United States. J Pediatr 2015, 167(3):627-632
  3. ObÉpi 2012. Enquête épidémiologique nationale sur le surpoids et l’obésité. Paris: Inserm/Kantar Health/Roche. 2012. https://presse.inserm.fr/wp-content/uploads/2012/10/obepi_2012.pdf
  4. WHO Global Health Observatory Data Repository [online database]. Geneva, World Health Organization, 2013 (http://apps.who.int/gho/data/view.main, accessed 24 July 2013).
  5. Currie C et al., eds. Social determinants of health and well-being among young people: Health Behaviour in School-aged Children (HBSC) study: international report from the 2009/2010 survey. Copenhagen, WHO regional office for Europe, 2012. (Https://www.euro.who.int/__data/assets/pdf_file/0004/243337/Summary-document-53-MS-country-profile.pdf)
  6. DCCT research group. Influence of intensive diabetes treatment on body weight and composition of adults with type 1 diabetes in the Diabetes control and complications trial. Diabetes Care 2001;24:1711-21.
  7. Carlson MG, Campbell PJ. Intensive insulin therapy and weight gain in IDDM. Diabetes 1993;42:1700-7.
  8. DCCT research group. Weight gain associated with intensive therapy in the Diabetes control and complications trial. Diabetes Care 1988;11:567-73
  9. Dossou Y, Roudier C, Penfornis A, Fagot-Campagna A, Druet C. Diabète de type 1 en France métropolitaine : caractéristiques, risque vasculaire, fréquence des complications et qualité des soins. Entred 2001 et Entred 2007. Bull Epidémiol Hebd. 2013;(37-38):477-84.
  10. Functional intensified insulin therapy with short-acting insulin analog: effects on HbA1c and frequency of severe hypoglycemia An observational cohort study. Hartemann-Heurtier A, Sachon C, Masseboeuf N, Corset E, Grimaldi A Diabetes Metab 2003,29,53-7 
  11. Brazeau A-S et al.  Barriers to Physical Activity Among Patients With Type 1 Diabetes Diabetes Care 31:2108–2109, 2008.
  12. Aas AM, Hanssen KF, Berg JP, et al. Insulin-stimulated increase in serum leptin levels precedes and correlates with weight gain during insulin therapy in type 2 diabetes. J Clin Endocrinol Metab 2009;94:2900-6.

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